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Entre Avatar et Seul au Monde

Mardi 3 décembre 2013 : dans un décor de cinéma

Ce matin, nous sommes convoqués à 8h15 pour le briefing sur le séjour et la présentation du centre. Pour celles et ceux qui n'arrivent pas à prendre le rythme local trop vite les horaires sont à titre exceptionnel respectés. Ce sera bien la seule fois du séjour. Nous découvrons à travers le discours le personnel, les "services" à notre disposition, notre groupe de 12 et notre guide pour la semaine : Eric. Nous formons la tribu respectée des randonneurs très minoritaire en comparaison de celle des plongeurs. Une troisième tribu est celle des "Couleurs Caraïbes" venue découvrir l'île à son rythme et sans trop de marche. Enfin, il y a une minorité de deux plongeuses à mi-temps. Tout ce beau monde se retrouve uniquement pour les petits déjeuners, les dîners et les soirées.

Vers 9h30, le départ pour la première randonnée est donné : aujourd'hui nous allons évoluer dans les anses du Nord, autour de l'Anse Couleuvre notamment. Notre véhicule remonte le littoral Caraïbe vers le septentrion. Nos nouveaux chauffeurs s'arrêtent un moment au Prêcheur, en plein milieu de la route, pour acheter à travers la vitre de la voiture du pain à un boulanger qui fait sa tournée. On est bien loin du stress des rocades métropolitaines ! La suite va être plus étonnante : alors que l'on attaque la dernière pente, notre véhicule s'immobilise et ne parvient plus à redémarrer. Le coup de la panne alors qu'on est déjà dans le véhicule, j'avoue que je ne connaissais pas. L'explication est vite trouvée : panne d'essence ! Notre balade commence donc plus tôt que prévu, en pleine pente et sous un soleil dardant. Un début digne de Pékin Express.

En aussi peu de temps, je suis déjà impressionné très positivement par  l'extrême cordialité des Martiniquais : le "bonjour" est un incontournable qu'il convient de ne jamais oublier et, tout au long de la route, nos chauffeurs adressent aux uns un coup de klaxon, aux autres une salutation du bras. Le seul équivalent que je connaisse en métropole, ce sont les campagnes.

Nos premiers pas sont effectués sur le bitume : d'abord en montée sur quelques lacets avant de plonger sur le parking, terme habituel de la chaussée. Au-delà, c'est la forêt primaire qui vous absorbe et peut parfois vous garder si vous êtes à son goût. Mais le danger bien qu'existant n'est pas perceptible et on peut s'y aventurer sans trop d'appréhensions, quoi que ... L'une de nous a en effet avoué à Eric avoir une phobie des araignées mais qui est presque guérie. Comment réagit dans ce cas-là un guide à qui on tend une telle perche ? Il va vous tester. Une fois positionnée juste derrière lui (seconde erreur...), Eric se tourne, ouvre le poing et révèle ainsi une araignée noire en plastique. Le bruit ambiant de la forêt est aussitôt recouvert par un cri strident, mélange d'angoisse et de détresse. Apparemment, la phobie n'est pas encore tout à fait passée ... En même temps, je ne me moquerai pas car je n'apprécie pas spécialement non plus ce type de faune. Mais loin de moi, l'idée de le confesser à d'autres.

La forêt primaire est une forêt très dense, avec plusieurs étages : dans un premier temps, ce sont des arbres qui poussent très rapidement, dans une course effrénée vers le soleil. Une fois déployées leurs feuilles, l'ombre apparaît de même que d'autres strates de végétaux de plus petite taille. Autre caractéristique qui complète la définition : ce type de forêt n'a jamais été aménagé par l'homme et reste donc à l'état brut. Autour de nous, les essences sont très diversifiées avec aussi bien des arbres fruitiers (papayers) que des bambous ou des fougères arborescentes de plusieurs mètres de hauteurs ... Eric nous présente aussi un arbre appelé le "bois canon", aux feuilles bicolores foncées au-dessus et blanches en-dessous. En période de mauvais temps elles se retourneraient avisant ainsi les autochtones de la dégradation de la météo. L'arbre offre également un hébergement à des fourmis en échange d'une protection contre d'autres agresseurs potentiels.

Autour de nous, le spectacle est magnifique si l'on est réceptif : troncs au diamètre immense dans lesquels on se prend à chercher les habitations d'Avatar ou troncs multiples, plantes épiphytes, lianes tombant du ciel ou entrelacées à l'infini... La marche se fait contemplation car c'est un décor que l'on ne voit pas dans nos forêts métropolitaines bien ordonnées et qui devait déjà être ainsi il y a plusieurs centaines d'années ! Je me sens comme une fourmi respectueuse de cette forêt enchantée et de caractère que l'on abat sans vergogne au Brésil ou en Indonésie (par exemple) pour bénéficier des retombées du juteux commerce mondial.

 

Le chemin n'est pas plat mais vallonné et nous conduit droit vers une cascade pour autant qu'on puisse aller "droit" dans un tel environnement. En fait, vous suivez plutôt le sentier comme un train électrique miniature le ferait dans une chambre d'enfants. Si vous déraillez, les conséquences peuvent être fâcheuses avec toutes les mignonnes bestioles qui vous attendent à l'extérieur : fourmis, scolopendres (un mille-pattes pas très fréquentable), serpents trigonocéphales ou a ... a... araignées !!! Pour le serpent, ça semble la "phobie presque guérie" d'Eric. Aussi ne devrons-nous parler à partir de maintenant que de "bête longue" et non plus de "serpent" car "ça les attire". En même temps quand on vous appelle, est-ce que vous ne venez pas vous ? Pour les araignées, il s'arrête brusquement et prend une brindille. Là vous vous demandez pourquoi il fait ça ? Il va la mettre dans la bouche et continuer ? Non ! Eric enfonce alors la brindille dans un trou si petit que vous ne l'auriez certainement pas vu en passant à côté et, peu après, une belle matoutou falaise plutôt mécontente d'être dérangée à la maison surgit de nulle part. La tension est palpable. Si vous êtes vraiment curieux, vous pouvez également voir à quel point la matoutou est mécontente car son dos s'irise de bleu ou de rouge. Fascinant non ?

A présent que vous êtes décidé à réprimer votre envie irrépressible de jouer les Tarzan, Jane ou Indiana Jones, vous ne voyez plus trop pourquoi quitter le sentier. C'est un bon pas si j'ose dire. Sachez aussi que nous avons croisé des guêpes grosses de plusieurs centimètres qui aiment bien pondre dans les tarentules vivantes et qui ne savent absolument pas ce qu'est un sentier. Mais il faut que je précise qu'elles n'étaient pas spécialement intéressées par notre espèce.

Après tout ça, votre meilleur ami devient le lézard qui pullule partout. Lui au moins, il n'est pas laid, ne va pas vous sauter dessus, est inoffensif et a des couleurs attractives même quand il est calme.

Durant notre progression, nous gravissons ou dévalons quelques escaliers, traversons deux fois un cours d'eau à gué ... Vers 11h30, nous sommes récompensés et atteignons la cascade Couleuvre. Elle s'écoule sur une vingtaine de mètres le long de la roche en plan incliné avant de se jeter dans le vide sur les deux ou trois derniers mètres. A côté de la majesté de la forêt, je suis plutôt déçu et m'attendait à mieux. James Cameron n'avait plus de budget ou quoi ?

Le retour se fait par le même chemin et permet d'appréhender le même paysage sous un point de vue différent puisque dans l'autre sens. Revenus au parking, nous passons directement au second volet de la balade : la baignade quotidienne. Pour en bénéficier, il va encore falloir marcher un peu sur une piste bien plus claire qui conduirait à Grand'Rivière si nous la longions jusqu'au bout.  Dans les premiers mètres, nous passons devant les ruines d'une ancienne sucrerie-distillerie. Les vestiges sont encore assez importants avec plusieurs panneaux explicatifs. Autrefois, il y avait une dizaine de structures comme celle-ci sur le chemin que je viens d'évoquer. On y fabriquait du rhum, du sucre et des huiles essentielles.

Le sentier que nous empruntons est casse-pattes. Après un kilomètre, nous sortons de la végétation dense pour nous retrouver sur une plage déserte de sable noir d'origine volcanique : l'Anse Lévrier. Le paysage y est digne de Seul au monde ou de Koh Lanta. Nous pourrions aisément nous identifier à des robinsons ou à des explorateurs débouchant sur une terre vierge et en prenant possession pour ... y savourer notre pique-nique et piquer une tête dans l'eau (désolé d'être parfois aussi terre-à-terre). Le cadre est réellement enchanteur car aucun signe de civilisation ne vient perturber la quiétude des lieux et l'éclatement des vagues sur la grève.

Tout le monde se retrouve rapidement dans l'eau pour se rafraichir et profiter de l'instant. Entre deux séquences de nage et le partage de mes impressions avec Laëtitia, je me rapproche des rochers pour faire un peu d'apnée. J'y croise un barracuda ainsi que quelques rares spécimens de poissons tropicaux noir, jaune et blanc tout à la fois.

 

Toute bonne chose ayant une fin, nous repartons un peu à contrecoeur vers une seconde plage : l'Anse Couleuvre. Plus proche du parking, elle est davantage fréquentée et ne permet donc pas le même ressenti. Cette fois-ci nous sortons du bois sur une partie rocheuse avec ça et là des cocotiers qui remplissent très bien leur rôle de "carte postale des Antilles". Pendant que nous parcourons du regard les environs, Eric est parti chercher une noix de coco qu'il va briser à l'aide d'une grosse pierre. Nous pouvons alors passer à la séance dégustation. La chair est plutôt sèche.

Retour au parking où un homme et son jeune fils vendent des fruits tropicaux : avocats, corossols, mangues, papayes ... Il est alors temps de remonter la route à la rencontre de notre minibus. Certains membres du groupe cèdent à la tentation de se faire prendre par un véhicule. S'ils savaient que c'est Jean-Claude qui nous attend au bout, je pense qu'ils auraient négocié pour continuer jusqu'à l'UCPA.

De retour au centre, il n'est que le milieu de l'après-midi. Laëtitia part courir tandis que je prolonge la marche pour arriver à une distance plus conforme à mes habitudes hebdomadaires. Tous deux nous dirigeons à notre rythme vers St Pierre. Pour ma part, je poursuis ma balade un peu au-delà pour ne rentrer qu'à la nuit tombée. Des totems se détachent sur fond de soleil déclinant dans la rade de St Pierre.

Avant le repas commencent les animations avec un quizz musical comme il y en aura tous les soirs. Laëtitia s'en sort bien puisqu'elle finit parmi les trois premiers. Après un repas préparé par le chef qui a renfilé son tablier pour une nouvelle semaine, une dégustation de différents ti-punch est organisée. Plusieurs saveurs sont proposées du classique CRS (citron vert-rhum-sucre) à la noix de coco en passant par l'ananas ou la passion.

La salle se vide partiellement et la soirée continue avec une initiation au zouk. N'étant doué que pour faire tomber la pluie et étant en outre raide comme un éléphant paraplégique, je passe mon tour et évite ainsi d'écraser les pieds de mes voisins.

De retour dans la chambre, nous discutons un peu avant de nous endormir pour être en forme pour la prochaine journée. Si j'avais eu le choix, j'aurais apprécié grandement de ne partager la chambre qu'avec Laëtitia. C'était sans compter sur une poignée de voraces moustiques qui ne s'en prendront qu'à moi. Sachant qu'il n'y a que la femelle qui pique, j'envisage de lancer un appel à mobilisation contre la misogynie pratiquée par les moustiques martiniquais. En effet, j'aurais réchappé aux multiples dangers de la forêt aujourd'hui pour finir dévorer à l'abri derrière les murs "protecteurs" de la chambre. Un comble quand on y pense, non ?

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