La Montagne Pelée

Samedi 7 décembre 2013 : le choix qui paye

Nouveau petit tour au ponton, mon QG pour commencer la journée du bon pied. Aujourd'hui, Laëtitia est de la partie ce qui me fait plaisir. En revanche, ce qui fait un peu moins sourire, c'est la météo capricieuse du moment : pour trois jours (depuis hier), les Antilles essuient une petite tempête tropicale. Conséquence : il pleut sur le centre et on ne voit même pas la Montagne Pelée qui est perdue dans les nuages. Nous ne verrons donc pas un vaste panorama depuis le sommet mais plutôt une brume opaque. Je ne sais pas si Eric va vouloir monter ou pas mais quoi qu'il en soit, je préfère emprunter les chaussures de randonnée du centre pour la balade du jour.

Le départ est finalement donné, un peu plus tard que d'habitude. Au parking de l'Aileron marquant le début de la balade (824m), un interminable débat démarre pour savoir si nous partons ou pas. Pour moi, la question ne se pose même pas car je n'aurai pas de seconde possibilité de gravir ce sommet. Après 20 ou 30 minutes de discussion, la moitié du groupe jette l'éponge : nous partons à 6 avec Eric sous un déluge. Pendant la première heure, le sentier est un torrent que l'eau dévale à toute vitesse. Je suis bienheureux au sec dans mes chaussures d'emprunt. La pente est raide, la visibilité est réduite et le vent souffle très fort. Malgré cela, j'éprouve quand même du plaisir à être là ! La randonnée, ce n'est pas seulement sortir par beau temps à mes yeux, c'est marcher et s'adapter aux conditions qui peuvent être changeantes. Qui plus est avec Eric nous sommes en sécurité. 

Nous finissons par approcher du cratère. Normalement, il y a au centre deux cônes volcaniques : celui de 1902 qui a causé la disparition de St Pierre et de ses 28000 habitants et celui de 1929 dont le sommet est le point culminant de l'île (1397m). La pluie venant de cesser, nous distinguons vaguement les bords très pentus du cratère.

Plutôt que de descendre en vain vers la caldeira et les deux cônes, nous nous dirigeons vers le second refuge à quelques mètres de là. Impossible d'y pique-niquer car il est particulièrement insalubre et nauséabond. Nous poursuivons de suite le chemin d'un commun accord sous un ciel qui se dégage rapidement. La forme des cônes commence à se dessiner vaguement par intermittence. Va-t-on les voir dégagés ?

Après un quart de tour du géant endormi, nous sommes récompensés et apercevons enfin ce qui nous était caché jusqu'à présent. Notre choix et nos efforts n'auront pas été vains mais couronnés de succès. L'essentiel est toujours de tenter.

Le reste de la randonnée va être très agréable avec un pique-nique à l'abri du vent, devant un panorama splendide sur la côte Caraïbe. Jugez-en par vous-même ... (laissez défiler le diaporama)

Montagne Pelée - Bord du cratère

Montagne Pelée - Vue sur le Prêcheur

Montagne Pelée - Vue sur le sommet

Montagne Pelée - Avec toujours beaucoup de vent

Montagne Pelée - Vue sur St Pierre

Montagne Pelée - Vue sur la côte Caraïbe

Montagne Pelée - Descente sur le Prêcheur

Après cette pause ravitaillement, Eric nous en raconte plus sur le drame de 1902 où, avec la campagne électorale, personne n'a songé à faire évacuer la ville malgré les signes annonciateurs d'un réveil du volcan. Quand le matin du 8 mai, à 8h02, une nuée ardente et des bombes se sont abattues sur St Pierre, la population était encore présente. Seuls deux survivants ont réchappé de la catastrophe : un cordonnier et un prisonnier du nom de Cyparis. Quant aux bateaux présents dans la rade de St Pierre à ce moment-là, ils ont également sombrés.

Sur le bas de la descente, l'ambiance est plus légère : Eric fabrique un collet avec un brin d'herbe et réussit à le placer autour du cou d'un lézard qu'il tient ainsi en laisse.

La végétation réapparaît, exubérante, les animaux d'élevage et les fruits tropicaux également. Peu après nos retrouvailles avec le bitume, le minibus surgit au milieu des herbes hautes. Nous avons vraiment eu une grande chance de voir la Montagne Pelée sous deux aspects diamétralement opposés en seulement quelques heures : dans la tempête et par un ciel totalement dégagé ce qui est extrêmement rare !

Nous sommes de retour au centre pour 14h30. Avec Laëtitia, nous allons nager du côté du ponton et rendre une visite de courtoisie à tous les poissons qui résident là. Nous sommes à peine à dix mètres du rivage et du ponton, par 4 mètres de profondeur maximum, et la vie prolifère à l'abri de rochers et d'algues. Je suis absorbé par toutes ces couleurs chatoyantes, parfois même électriques. Pas de doute, les fonds sont bien tropicaux eux aussi.

Sur la fin d'après-midi, je décide d'aller marcher un peu mais je ne vais presque pas en avoir l'occasion : un habitant de la cité voisine du centre, Christian, m'embarque "de force" pour St Pierre dans sa voiture. Je n'allais pas marcher jusque-là quand même, non mais sans blague ! Il me conseille également sur les visites que je dois faire dans les environs. Bref, ici, même pas besoin de faire de stop pour être pris, ça en dit long sur l'esprit de service des Martiniquais et ça conforte mon impression du premier jour.

Arrivé dans le bourg, je fais un rapide tour dans ses ruelles parfois colorées. Un seul bâtiment est un peu vandalisé : le centre des impôts ! Je ne peux réprimer un sourire. Ne souhaitant pas m'éterniser car je voudrais bien voir le couchant du côté du ponton, je rebrousse chemin à pied cette fois-ci. A la sortie de la ville, une façade affiche "combats de coqs", plutôt insolite pour un métropolitain comme moi.

Le soleil décline et frappe de ses derniers rayons dorés les flancs de la Montagne Pelée, la principale actrice de notre journée, celle qui l'a justement illuminée.

Arrivant au ponton, je retrouve Laëtitia, aspirée à mi-temps par son livre et par le soleil qui s'approche de la ligne d'horizon. La plongée de l'astre et sa disparition sont extrêmement rapides, une minute tout au plus. Rendez-vous demain pour de nouvelles aventures !

19h. Nous retrouvons tout le groupe ou presque autour de la table pour le pot d'adieu des moniteurs. Les activités sportives sont terminées, ne restent plus que des journées libres ! Eric nous remet avec solennité nos diplômes en créole. A l'heure où être fait chevalier de la légion d'honneur est une reconnaissance presque aussi répandue que le premier flocon en ski alpin, être proclamés "Doudou des Îles" pour Laëtitia et "Mal Boug des Îles" pour ma part est un insigne privilège dont nous tâcherons de nous montrer dignes ... jusqu'à lundi. Nous héritons en outre d'une mention "Montagne Pelée" qui rend cette récompense mémorable. Pour évacuer le flot d'émotion qui ne tarde pas à submerger son groupe, Eric nous propose de lire le texte en créole, ce qui déclenche une bonne crise de fou-rire de son côté. Comment faire un adieu qui sort de l'ordinaire ...

La soirée n'est toutefois pas encore terminée. Laëtitia me propose très aimablement de nous rendre à St Pierre pour assister à une soirée chants de Noël en créole. Merci pour l'attention ! Les associations et commerces de chaque commune s'associent pour organiser cet événement tous les week-ends dans un bourg différent. Sur la place principale, un groupe enchaîne les classiques religieux ou pas. Au premier rang du public, une chorale les accompagne tandis que le reste de l'assistance se trémousse en rythme. Je passe un excellent moment et adore le contraste entre la chaleur des tropiques et les airs de Noël. Un mélange qui paraît si improbable et pourtant oui, nous sommes bien en décembre, pas en juillet ! 

 

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