La Caravelle

Mercredi 4 décembre : Changement de versant

Aujourd'hui, nous quittons le littoral Caraïbe pour rallier l'Atlantique. Notre route passe entre la Montagne Pelée et les sommets du Carbet, à Morne-Rouge pour être précis. Pour y accéder, la chaussée est étroite et zigzague. Jean-Claude rajoute encore du roulis avec son style de conduite si caractéristique : 95% de show, 5% de conduite réglo. Autour de nous, une végétation tropicale constituée de bananeraies notamment. Passé le point haut, nous redescendons vers l'océan et voyons se profiler une longue langue de terre s'enfonçant de plus de dix kilomètres dans l'océan : la Péninsule de la Caravelle, notre destination.

A la sortie du minibus le soleil tape fort mais un couloir végétal à travers la forêt sèche va atténuer la sensation de chaleur. Au sol, un tapis de feuilles se déroule devant notre troupe. C'est une invitation à parcourir le "sentier long" qui accomplit une boucle de 7km à travers plusieurs écosystèmes. Dans cette zone, les araignées ne seraient plus arboricoles mais terrestres ce qui pousse à redoubler de vigilance. Toutefois, nous n'aurons pas l'occasion d'en voir.

Notre premier arrêt rend hommage à la doublure du soleil. Quand celui-ci va se coucher ou paresse dans son lit de brume, le Phare de la Caravelle prend le relais. Il se trouve sur le point le plus élevé de la presqu'île, à 148 mètres. Une broutille par rapport à ce qui nous attend dans les prochains jours. A proximité, un belvédère a été aménagé qui offre une vision panoramique sur une grande partie de la façade Atlantique.

En contrebas, une station météo s'accroche à l'extrémité d'une pointe. Nous la prenons pour cap. Sur notre sentier, véritable "autoroute du soleil", la circulation est dense. Bison Futé n'avait pas prévu la sortie de crabes de terre et de bernard-l'ermite c'est-à-dire de véritables petits bijoux dans la miniaturisation des camping-cars. Mais je crois que je m'égare...

En atteignant le littoral, le paysage se modifie rapidement : le sol devient clairement volcanique, les arbustes poussent en oblique écrasés par des vents puissants et fréquents, la côte déchiquetée de l'Anse Chandelier n'est pas sans rappeler la Bretagne ou  l'Irlande. Les vagues viennent exploser contre des récifs dans des gerbes d'écume et dans un grand fracas. Ne manque plus que le chalutier rentrant de la pêche ou le cri des mouettes pour que la similitude soit encore plus troublante.

Un tapis d'herbes hautes sert de transition lors du passage à l'anse suivante : celle du Bois-Vert. Nous ne sommes qu'à une centaine de mètres de la précédente mais un détail vient mettre à mal le tableau que je viens de décrire : manifestement, nous nous sommes déplacés à un autre point du globe puisque des cocotiers ont poussé et que l'eau s'est éclaircie. Peut-être vers le Moyen-Orient ? Un voyage en quelques pas et avec de l'imagination mais celui-ci est gratuit et ne m'a pas demandé beaucoup d'efforts.

Le moment de pique-niquer se rapproche, nous pressons un peu le pas. Pour rien au monde je ne raterais ma seconde salade Saupiquet en deux jours (attention ironie !). J'avoue que j'aurais pensé manger plus exotique mais au moins il n'y a pas de concombre dedans donc c'est déjà un bon point.

Pour l'heure, nous nous engouffrons dans un nouveau tunnel végétal bien plus bas de plafond que celui du début de la balade. Le groupe s'étend et Eric perd certains de vue. Le hic c'est qu'il opte pour un raccourci et que les retardataires pourraient très bien filer tout droit. Il est cependant trop tard au moment où il en prend conscience... 

Je vous laisse enfiler votre bouée canard et votre maillot léopard avant de passer au tableau suivant.

Vous êtes prêts ? Bon allons-y alors ! Au sortir de la végétation, nous débouchons sur la Baie du Trésor, un lieu merveilleux où terre et mer s'entremêlent. L'eau vire à présent au turquoise et pas la moindre vaguelette ne vient rider sa surface étale. Sa température est si agréable qu'il n'y a même pas à réfléchir avant de rentrer dedans comme dans une baignoire. Quant à la plage, le sable refait surface. Il est un peu grossier certes mais c'est toujours mieux que les rochers. A présent, notre tournée nous ramène donc dans les Antilles.

Suite à cette description vous serez étonnés si je vous raconte que Saupiquet a étrangement remporté moins de suffrages que la baignade, la nage ou l'apnée. Notre correspondant local souligne à ce sujet que certains y sont retournés à plusieurs reprises dans le second cas, tandis qu'aucun témoin direct ne peut en attester pour la Saladière. Seule une distribution d'ananas délicieusement fruités serait parvenue à générer un mouvement de foule d'une ampleur équivalente et encore ! 

Après cette pause bienvenue, nous reprenons la marche en direction de la mangrove. Chemin faisant, nous croisons à nouveau des crabes de plusieurs espèces qui, comme les petits poissons, viennent chercher une protection dans cet écosystème. Sur le trajet, Eric part brusquement en avant sans avertir personne. Certains d'entre nous le dépassent sans le voir jusqu'à ce que retentisse un cri d'épouvante. La plaisanterie tombe toutefois à l'eau devant la crise de panique de la victime et c'est un Eric tout penaud que nous voyons arriver quelques minutes plus tard. 

Nous parvenons au coeur de cette mangrove, royaume des palétuviers et, en certains endroits, véritable entrelacs de racines. Pour moi un petit clin d'oeil aux banians thaïlandais et une claque à Phileas Fogg qui a mis 80 jours pour faire son tour du monde quand nous n'avons mis que quelques heures.

Un sentier d'interprétation permet de se familiariser avec les différents palétuviers et leurs spécificités : le rouge pousse le plus proche de l'eau profonde et doit son nom à la couleur de ses racines, le noir vient juste derrière dans des eaux moins profondes, le blanc possède des pores apparents qui lui permettent d'exsuder le sel et le gris se développe simultanément dans son voisinage immédiat.

 

A l'issue de la balade, nous prenons la direction d'une distillerie proche : la distillerie St James. C'est surtout une occasion pour déguster puis acheter du rhum pour ceux qui le souhaitent. Un certain nombre de pièces ainsi que le procédé de fabrication sont présentés dans les salles communes. Au départ, le liquide extrait de la canne à sucre est exposé au soleil où, du fait de la chaleur, il va prendre 5°. La distillation intervient en suivant et permet d'atteindre 70°. L'ajout de sucre et/ou de fruits permet de ramener le degré d'alcool à 50° ou 55°. Ainsi produit, le rhum est translucide. Pour lui donner une couleur ambrée, il est mis à mûrir dans des fûts de chêne où il va s'enrichir en tanin.

A l'issue de cette escale "technico-commerciale", nous retournons au centre. La nuit n'étant pas encore tout à fait tombée, je repars pour une petite marche tandis que Laëtitia se détend dans les hamacs autour d'un livre et de jeux. Le repas du soir est une nouvelle fois original et met sur le devant de la scène des mets qui nous sont régulièrement inconnus.

La soirée se termine par un diaporama sur les poissons locaux présenté par un moniteur de plongée avant de sombrer dans le sommeil.

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